Justice pénale environnementale : de timides avancées.
Chef de file du groupe écologiste sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice pour 2023-2027, Jérémie Iordanoff a saisi l’occasion de ce texte pour améliorer le fonctionnement de notre justice pénale environnementale.
Il a rencontré, en amont du travail législatif, de nombreux chercheurs et acteurs du droit pénal environnemental, notamment des magistrats spécialisés, qui ont pointé de nombreux dysfonctionnements, notamment celui de l’immixtion du pouvoir exécutif dans la fonction judiciaire au détriment de l’exigence de justice.
Attaché au respect du principe de séparation des pouvoirs, Jérémie Iordanoff a déposé plusieurs amendements pour redonner à l’autorité judiciaire la place qui lui revient.
Il a notamment proposé de renforcer le suivi de l’exécution des conventions judiciaires d’intérêt public environnementales. Créée par la loi du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, cette alternative aux poursuites permet au Procureur de la République de proposer, à une personne morale mise en cause pour certains délits environnementaux, de s’acquitter de certaines obligations (amende d’intérêt public, programme de mise en conformité, réparation du préjudice écologique), en échange d’une extinction de l’action publique. Jusqu’à présent, le contrôle de la mise en conformité et de la réparation du préjudice écologique était confié aux services compétents du ministère de l’environnement, c’est à dire à des agents placés, au niveau local, sous l’autorité des préfets, dont les arbitrages se font souvent au détriment de la défense de l’environnement.
A défaut de pouvoir proposer dans le cadre de ce projet de loi* la constitution d’une autorité indépendante en charge de l’exécution de ces mesures – ainsi que le préconise le rapport du groupe de travail de la Cour de cassation relatif au droit pénal de l’environnement, présidé par François Molins -, Jérémie Iordanoff a souhaité redonner aux parquets le monopole du contrôle de la bonne exécution des peines prononcées. Il se réjouit de l’adoption de cet amendement en commission, lors de la séance du 21 juin 2023.
Jérémie Iordanoff regrette néanmoins que sa proposition-phare n’ait pas été intégrée au projet de loi.
En dépit de la mise en place des pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement en 2021, le contentieux pénal de l’environnement ne représente qu’une infime partie de l’activité des juridictions pénales (moins de 1% des affaires traitées). Cet échec de la réponse pénale s’explique en grande partie par l’absence de signalement des atteintes à l’environnement aux parquets. Outre le manque de moyens dédiés à la recherche des infractions (une quinzaine d’inspecteurs de l’environnement par département seulement), et à leur poursuit, les dysfonctionnements proviennent d’un défaut d’information de l’autorité judiciaire par les services verbalisateurs placés sous l’autorité des préfets, notoirement sensibles aux intérêts économiques locaux. Dans le meilleur des cas – parce qu’il existe aussi des doctrines de l’inaction (https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/05/05/pesticides-dangereux-pour-les-abeilles-les-inspecteurs-de-l-environnement-pries-de-ne-pas-controler-les-arboriculteurs_6172166_3244.html), les services de l’Etat privilégient la mise en mouvement de procédures administratives peu contraignantes sans en informer l’autorité judiciaire. Le phénomène est aussi ancien que parfaitement documenté (P. Lascoumes, L’éco-pouvoir, Editions la Découverte, Paris, 1994), les parquets ne sont donc tout simplement pas saisis, ce dont témoigne l’affaire du Lubrizol. Cette rétention d’information, contraire à l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. Il faudrait créer un cadre privilégié d’échanges d’informations entre les services verbalisateurs et les parquets, sans interférence des préfectures. Cette proposition de Jérémie Iordanoff a été malheureusement rejetée.
* Le droit d’amendement des parlementaires n’est pas sans limite. L’article 45 de la Constitution exige que les amendements présentent un lien, même indirect, avec le texte discuté. Dans le cas contraire, la disposition proposée par voie d’amendement est qualifiée de “cavalier législatif” ; elle est donc jugée irrecevable ce qui signifie qu’elle ne peut être déposée (elle n’est donc ni discutée ni publiée).