Nestlé Waters : l’influence d’un industriel face à la responsabilité de l’État

Le 14 mai 2025, j’ai saisi le Gouvernement sur une affaire grave mettant en cause à la fois la transparence des autorités sanitaires et la capacité de l’État à protéger l’intérêt général. Les révélations conjointes de Radio France et Le Monde, confirmées par les travaux de la commission d’enquête sénatoriale, ont mis en lumière une série de faits graves impliquant l’entreprise Nestlé Waters, les autorités sanitaires, et le plus haut sommet de l’État.

Une contamination dissimulée

Nestlé Waters a utilisé des traitements interdits sur ses eaux « naturelles » pour qu’elles soient commercialisables malgré être issues de forages contaminés. Cela remet en cause le statut d’« eau minérale naturelle », qui est très réglementé et suppose une eau pure à la source.

Or, en décembre 2023, un rapport de l’Agence régionale de santé (ARS) Occitanie a été modifié à la demande de l’industriel, avec l’intervention de la préfecture et l’accord du cabinet de la ministre déléguée à la santé. Cette version édulcorée a volontairement écarté toute mention des polluants identifiés dans les sources : PFAS, pesticides, chlorates, perchlorates, bactéries E.Coli, entre autres.

L’inquiétude est d’autant plus forte que l’Élysée elle-même était informée des pratiques de Nestlé depuis 2022. Des échanges ont eu lieu entre la direction de Nestlé Waters et le secrétaire général de la Présidence de la République. Ce dialogue direct au sommet de l’État soulève des questions cruciales sur l’influence exercée par les grands groupes industriels sur l’exécutif. 

Dans ce contexte, le refus d’audition d’Alexis Kohler par la commission d’enquête sénatoriale, en violation de l’ordonnance de 1958, constitue une atteinte grave aux prérogatives du Parlement.

Quel intérêt prime ? 

À la tribune de l’Assemblée nationale, j’ai donc posé cette question au Premier ministre : quel intérêt prime ? Celui de tous les Français, ou celui de quelques industriels ?

Lorsque des rapports sanitaires sont réécrits à la demande d’un acteur privé, lorsque l’administration cède face à ces pressions, avec le soutien de représentants de l’État et l’information des cabinets ministériels, c’est la capacité de l’État à agir dans l’intérêt de tous, sans subir l’influence de puissances privées, qui se trouve ainsi gravement compromis. Ce n’est pas seulement une défaillance. C’est une alerte sur l’emprise croissante de certains groupes privés sur la décision publique, au détriment de l’intérêt général.

Une non-réponse qui interroge

C’est Véronique Louwagie, Ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l’Économie sociale et solidaire qui a répondu. Sa réponse, très générale, n’apporte aucune clarification sur les faits rapportés. Aucun mot sur la réécriture du rapport de l’ARS. Aucun mot sur le rôle du préfet. Aucun mot sur la responsabilité des cabinets ministériels. Aucune réponse non plus sur l’information de l’Élysée.