Instaurer un mode de scrutin proportionnel pour construire des majorités stables à l'Assemblée nationale
Dans un paysage politique de plus en plus fragmenté, aucun parti ne peut obtenir seul une majorité stable à l’Assemblée nationale. Les majorités artificielles se multiplient et les compromis deviennent difficiles. Un système capable de favoriser les négociations et de permettre des coalitions post-électorales devient indispensable.
C’est pourquoi, le 13 octobre 2025, avec plusieurs collègues députés de différents groupes parlementaires, Erwan Balanant (Renaissance), Guillaume Gouffier-Valente (MoDem) et Marie Recalde (Parti Socialiste), nous avons déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi ordinaire et une proposition de loi organique visant à instaurer un mode de scrutin proportionnel pour les élections législatives.
Pourquoi changer de mode de scrutin ?
La France traverse une crise institutionnelle profonde, marquée par l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale depuis 2022. Le scrutin majoritaire actuel, conçu pour dégager des majorités nettes, ne reflète plus la diversité des choix des électeurs. En résultent des blocages politiques, une défiance citoyenne, et des compromis difficiles à trouver. Aujourd’hui, chaque député pense déjà à la prochaine élection, dans une logique de bloc contre bloc qui paralyse le pays. La proportionnelle, c’est au contraire la fin des majorités artificielles : elle permet de construire des compromis après les élections, sur la base des idées, pour bâtir une majorité stable et réellement représentative des Français.
Les principes de notre proposition de loi : un système mixte au scrutin majoritaire et proportionnelle compensatoire, plus juste et plus représentatif
La proposition de loi ne vise pas à supprimer les circonscriptions actuelles, mais à introduire un système mixte, inspiré de ceux en vigueur dans certains de nos pays voisin combinant :
- 347 sièges (60 %) attribués au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, pour préserver l’ancrage territorial des députés.
- 230 sièges (40 %) attribués à la proportionnelle via une liste nationale compensatoire, pour garantir une représentation fidèle des choix des électeurs.
Type de sièges | Nombre | Mode d’attribution |
Circonscriptions uninominales | 347 (60 %) | Scrutin majoritaire à deux tours |
Liste nationale compensatoire | 230 (40 %) | Répartition proportionnelle des sièges restants |
Chaque électeur dispose de deux voix et le vote sur la liste compensatoire est exprimé lors du premier tour. C’est ce second vote qui détermine la composition finale de l’Assemblée Nationale. Les sièges obtenus par chaque force politique dans les circonscriptions sont soustraits du total qui leur revient, et le reste est attribué sur les listes nationales.
Le seuil retenu pour l’attribution de sièges compensatoires est fixé à 4 % des suffrages exprimés à l’échelle nationale. Ce seuil, utilisé par plusieurs démocraties européennes — Suède, Autriche, Norvège — permet de concilier pluralisme politique et efficacité parlementaire.
Afin de ne pas pénaliser les partis disposant d’un fort ancrage territorial, mais d’une base nationale limitée, un parti qui n’atteint pas le seuil de 4 % au niveau national, mais remporte au moins trois sièges au scrutin majoritaire, pourra être intégré à la répartition proportionnelle.
Une réforme pour sortir de l’impasse politique
Contrairement aux idées reçues, la proportionnelle ne conduit pas à l’instabilité : depuis 1958, l’Allemagne dont le système repose sur le mode de scrutin à la proportionnelle a connu 24 gouvernements et 10 chefs de gouvernement, quand la France en a connu 47 et 29 respectivement. Le constat est clair : le système actuel ne garantit plus la stabilité qu’il promettait.
Nous croyons qu’une telle réforme, soutenue par un large éventail de forces politiques, peut contribuer à débloquer durablement la vie démocratique de notre pays.
Pour aller plus loin
En podcast :
- RCF – Interview de Jérémie Iordanoff dans le cadre de l’émission Pour bien comprendre qui analyse concrètement comment un passage à la proportionnelle pour les élections législatives pourrait modifier la répartition des sièges à l’Assemblée, le rôle des partis minoritaires et le fonctionnement du scrutin mixte proposé.
- France Inter – Question politique du jour, chronique du journaliste Yaël Goosz, qui décrypte les enjeux de la proposition de loi sur la proportionnelle, explique comment ce scrutin mixte pourrait transformer la représentation des partis et le fonctionnement du Parlement, tout en conservant l’ancrage territorial des députés.
Articles et tribune
- Tribune dans Le Monde : « Il est grand temps de rejoindre nos voisins européens, qui ont tous recours à la proportionnelle ». Les députés cosignataires expliquent comment la proportionnelle permettrait de garantir une représentation fidèle des électeurs, de sortir de l’impasse du bloc contre bloc et de favoriser la construction de compromis politiques transparents, tout en conservant l’ancrage territorial des députés.
- Article LCP : Proportionnelle : une initiative transpartisane pour changer les pratiques politiques sur le dépôt des propositions de loi détaillant le fonctionnement du scrutin mixte proposé et ses objectifs : préserver l’ancrage territorial tout en favorisant une représentation plus proportionnelle.