Ingérences russes, désinformation algorithmique, dérives des plateformes : l'Assemblée nationale appelle l'Union européenne à protéger nos démocraties
Le 11 juin, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de résolution que nous avons déposée, avec Thierry Sother, visant à mieux protéger nos processus démocratiques face aux manipulations d’origine étrangère via les réseaux sociaux. C’est une avancée importante pour renforcer la souveraineté numérique et la sincérité du débat public en France et en Europe.
Une menace désormais documentée
Depuis plusieurs années, les ingérences numériques s’intensifient. De la campagne du Brexit aux élections américaines, en passant par les conflits en Ukraine ou les tentatives de manipulation électorale en Europe de l’Est, les preuves s’accumulent : les réseaux sociaux sont devenus des vecteurs puissants d’influence étrangère.
Le cas récent de la Roumanie est particulièrement éclairant. En décembre 2024, la Cour constitutionnelle a annulé le 1er tour de l’élection présidentielle après une campagne d’ingérence massive, orchestrée en grande partie via TikTok. Le candidat d’extrême droite, propulsé par un afflux suspect de contenus viraux et de faux comptes, a vu sa progression artificielle influencer l’ensemble du scrutin.
Un cadre européen encore trop fragile
L’Union européenne s’est dotée d’outils ambitieux avec le règlement sur les services numériques (DSA) et le règlement sur les marchés numériques (DMA). Ces textes visent à encadrer l’action des grandes plateformes et à limiter les dérives.
Mais sans application ferme et rapide, ces outils restent théoriques. C’est pourquoi notre résolution appelle la Commission européenne à :
- faire usage de l’ensemble de ses pouvoirs de contrainte et de sanction en cas de non-respect du DSA et du DMA ;
- communiquer aux parlements nationaux l’état d’avancement de ses enquêtes en cours, notamment contre X (ex-Twitter) ;
- réévaluer le statut de X comme contrôleur d’accès au marché numérique ;
- accélérer les investigations sur les algorithmes de recommandation ;
- et surtout, lancer une stratégie européenne de développement de plateformes numériques souveraines.
Notre résolution a été adoptée à une large majorité, avec le soutien des commissions des Affaires européennes et économiques. J’ai pu la défendre en séance aux côtés de mes collègues Laurent Lhardit, et Thierry Sother, co-rapporteurs en commission.
Ce vote envoie un signal clair : nous ne pouvons pas rester passifs face à la menace d’une manipulation algorithmique orchestrée par des puissances étrangères. Protéger la démocratie, c’est garantir que chaque citoyen vote librement, sans influence cachée, sans campagne de désinformation, sans biais imposé par des plateformes opaques.
Imposer l’interopérabilité pour briser les monopoles
Pour que de nouveaux acteurs européens puissent émerger, il est indispensable d’imposer l’interopérabilité des plateformes. Aujourd’hui, les monopoles des géants du numérique tiennent autant à leur domination technique qu’à la captation des communautés. Permettre aux utilisateurs de quitter une plateforme tout en conservant leurs abonnés, leurs données et leurs interactions sociales est la seule manière de réintroduire une véritable concurrence et d’ouvrir le marché à des alternatives souveraines. C’est un levier important pour reprendre le contrôle de notre environnement numérique.
Pour une souveraineté démocratique européenne
Il ne s’agit pas seulement de cybersécurité, mais de souveraineté. Le débat démocratique ne peut être laissé aux mains d’acteurs privés aux intérêts extra-européens. La France et l’Union européenne doivent agir ensemble pour garantir l’intégrité de leurs processus électoraux. Nous continuerons à porter ce combat.