Nous ressentons une grande lassitude. L’impression d’un grand n’importe quoi persistant. Plus personne n’y comprend rien. Alors nous voyons poindre une forme de laisser-aller, mais dans un monde hostile et alors que l’extrême droite menace, le fatalisme n’est pas une option.
En cette période troublée, revenons aux fondamentaux. Dans tout régime parlementaire, la légitimité du gouvernement procède de la représentation nationale, pas du président de la République. Or, le seul qui soutienne sincèrement le gouvernement Lecornu II, c’est Emmanuel Macron. Au passage, le chef de l’Etat est incontestablement sorti de son rôle en manoeuvrant pour imposer un périmètre gouvernemental artificiel dans lequel il reste au centre. Il est même allé jusqu’à menacer les députés d’une dissolution si nous étions en désaccord avec son bon vouloir. Il y a là une perversion d’un outil institutionnel.
C’est vrai, personne n’a de majorité absolue, les compromis sont donc nécessaires. J’ajoute que, défenseur de la proportionnelle, je suis favorable aux coalitions post-électorales. Mais il y a deux conditions pour que cela fonctionne. La première, c’est que le président de la République accepte le résultat des urnes. En l’espèce, il est le seul à avoir clairement perdu les législatives de 2024. Il doit passer la main en nommant un Premier ministre issu d’une autre coalition préélectorale et consentir à une forme de cohabitation. La seconde condition est qu’il y ait un accord en bonne et due forme entre les groupes politiques qui soutiennent le gouvernement. Sans programme négocié, fût-il minimum, le Premier ministre est un gouvernail sans direction.
La réalité, c’est que nous avons depuis 2024 une série de gouvernements éphémères et à la dérive. Lecornu II s’inscrit dans cette continuité, Emmanuel Macron garde la main et il n’y a toujours pas de programme.
Je mesure toute la gravité de voter une motion de censure. Pour autant, nous devons prendre garde à ne pas nous accoutumer à une démocratie parlementaire dégradée, dans laquelle le gouvernement se soustrait au vote de confiance et ne tient plus sa légitimité du Parlement, mais de Jupiter.